„L’humanité“ 9.10.06
Franz Schandl
On peut se réjouir de la fin prévisible de la coalition entre le chancelier Wolfgang Schüssel, président du Parti chrétien démocrate autrichien (ÖVP), et le populiste d’extrême droite Jörg Haider (jadis leader du Parti libéral FPÖ, devenu entre-temps Alliance pour l’avenir de l’Autriche, BZÖ). Mais il ne faut surtout pas tirer de conclusion précipitée après le scrutin législatif du 1er octobre. Les vrais vainqueurs du scrutin sont une fois de plus les partisans de l’extrême droite populiste.
Si l’on comptabilise l’ensemble des suffrages des deux formations issues de la scission du vieux parti de Haider, on s’aperçoit que le FPÖ de Heinz-Christian Strache et le BZÖ de Peter Westenthaler réalisent ensemble plus de 15 % des voix, alors que le FPÖ de Haider avait tout juste passé en 2002 la barre des 10 %.
C’est Strache qui a gagné de toute évidence la bagarre contre Westenthaler, la créature de Haider, pour s’approprier les faveurs des sympathisants d’extrême droite. Strache avait déjà réalisé une percée significative lors des élections de l’assemblée du Land de Vienne, il y a un an, alors que les proches de Haider s’y étaient écroulés. Strache n’a certes rien d’autre à dire que ce que Haider avait déjà pu formuler originellement mais ce n’est pas le critère qui compte. Le chef du nouveau FPÖ a su se transformer en une machine à discourir qui sait se faire entendre en maniant en guise d’arguments les pires préjugés. De vingt ans plus jeune que Haider, il donne le sentiment de dégager davantage de nouveauté.
Cela suffit.
Son succès électoral s’est construit sur une agressivité décuplée en termes de politique à l’égard des étrangers. Strache a tout misé sur la carte “ Ausländer raus “ (“ étrangers dehors „), jouée et rejouée jusqu’au bout. Un homme, une campagne. “ Les Suisses ont limité les droits des étrangers : l’Autriche a besoin d’un changement d’orientation, “ a insisté, en fin de parcours, le chef du FPÖ. Et tout un chacun ici, en se montrant honnête avec lui-même, sait bien qu’un référendum analogue (la votation suisse, qui a eu lieu une semaine avant les législatives autrichiennes, a conduit à la quasi-suppression du droit d’asile dans ce pays – NDLR) ne donnerait pas d’autre résultat que chez nos voisins. La politique du FPÖ est sur cette question capable de rassembler une majorité. Il ne s’agit en aucun cas de s’en accommoder ou de s’y résigner, tout au contraire. Mais c’est ainsi. Le potentiel hérité de Haider est toujours présent, il lui suffit d’être utilisé de façon adéquate. Même si le personnage de Haider s’étiole, son potentiel affiche tout de même une capacité à s’étendre en dépit des divisions et autres scissions. Il a perdu son combat contre le FPÖ et ne conserve de vrai rayonnement que dans sa réserve de Carinthie. Là le terrain lui reste favorable, et de façon étonnante. Si son parti le BZÖ n’a pas réalisé plus de 2,5 % dans huit Länder, il a réussi dans son fief à rassembler jusqu’à 25 % des suffrages.
Mais si le temps de Haider “ prototype “ est dépassé, sa marque populiste reste sur une voie victorieuse. Beaucoup ont du mal à faire cette différenciation. L’électorat actuel et ancien de Haider ne s’est pas détourné de lui. C’est lui qui l’a quitté. a commis deux erreurs politiques en désavouant en 2002 sa propre équipe gouvernementale et en provoquant une scission en 2005 pour créer son propre parti. Initiatives relevant exclusivement d’un ego très développé.
Le populisme d’extrême droite continue de croître et de prospérer en Autriche. Les crises circonstancielles du FPÖ n’illustrent pas son déclin, ni sur le plan idéologique ni sur celui de sa base. Elles n’ont fait tout au plus que signaler une baisse de forme de son personnel dirigeant à un moment donné.